· 

Guide d'achat et de rénovation de maisons anciennes (Normandie, France), 2ème partie : Extérieurs

Lors d’une visite de pré-achat ou d’après-achat, notre démarche consiste d’abord à faire le tour extérieur de bâtiment. Les grandes problématiques y sont en effet déjà visibles. 

Gouffern-en-Auge

 Est-ce que le sol est stable et suffisamment porteur ? Avant d’arriver à l’étude de sol géotechnique qui sera la seule étude capable de déterminer sa nature exacte et la profondeur des fondations existantes, il s’agit d’abord d’observer son comportement par l’état des murs. Repérer d’éventuelles fissures qui pourrait traduire un mouvement du terrain ou un tassement ponctuel. Les fondations des maisons anciennes sont généralement très peu profondes (40 à 50 cm) et dans un équilibre hydrique avec son sol. Les murs reposent sur un sol tassé par le temps (la motte de compression) habitués à une certaine quantité d’eau. Si cet équilibre est perturbé par assèchement ou mouillage excessif, la motte se déforme et des fissures peuvent apparaître. Avec le réchauffement climatique, les phénomènes d’argile gonflant sont redoutables. Mais cela peut être causé par d’autres phénomènes comme un drainage trop intensif. J’ai pu voir une fois un mur déstabilisé par le déversement des eaux usées d’une cuisine à l’angle d’un bâtiment, les produits ménagers ayant un effet dévastateur sur l’argile. Ou encore par un défaut de toiture et de gouttières. 

Chamblac

Si elle a souvent l’air en bonne état, la couverture est le point de dépense le plus inattendu. Le visuel ne suffit généralement par et il faut tester la résistance des éléments de couverture, notamment l’ardoise. Souvent elles glissent à des endroits critiques : au faitage et à l’égout. La présence d’amiante ("ardoises" ou tôle) interdite en France depuis 1997 est un très mauvais point : le prix d’un désamiantage démarre à 10000 euros, quelque soit l’opération, comprenant le protocole de mise en sécurité, la dépose, et la mise au rebut. Mais il convient surtout de voir le système de récolte des eaux de pluies, si les gouttières sont correctement dimensionnées (ce qui est rarement le cas), et où les eaux sont redirigées (mare ? Réseau public ?) souvent versée en vrac à la campagne, elle peut (point précédent !) ameublir les sols et déstabiliser les murs. 

Gouffern-en-Auge
Gouffern-en-Auge
Gouffern-en-Auge
Gouffern-en-Auge


Une toiture défectueuse veut dire infiltration dans la maison mais aussi sur les façades. D’autant plus dangereux qu’elle est insidieuse. Les joints lessivés des murs en pierre peuvent être d’une usure normale, surtout sur les façades exposées à la pluie battante de Normandie, étant anciennement réalisés à la chaux et à l’argile. Mais le cœur du mortier, en argile/sablonnette, qui appareille les pierres peut être totalement écoulé notamment par les infiltrations, présentant parfois d’impressionnantes cavités. Ceci nécessitera d’important travaux de coulinage (= couler de la chaux dans le mur pour reformer une cohésion). Autre indice : les joints ont été réalisés au ciment. Preuve que les anciens propriétaires en avait assez de refaire régulièrement les joints à la chaux ou que le ciment rassure, bien qu’inefficace, pour combler des lézardes qui poursuivent malgré tout leur chemin. Solution catastrophique : elle empêche le mur de respirer, soit d’évacuer l’humidité ou la vapeur d’eau se formant à l’intérieur, pouvant causer aussi un écoulement du mortier d’argile. Dans les murs en pierre calcaire, cela peut causer la détérioration du moellons, plus tendre que le ciment. Dans un cas (joints lessivés) comme dans l’autre (joints ciments) la reprise de la façade s’avère souvent nécessaire avant tout travaux intérieur. Et dans le cas des murs à pierre tendre apparente, fragile, hydrophile et gélive, ils doivent au delà de l’effet de mode être absolument enduits. 

colombages Goufferne-en-Auge omméel

Les infiltrations sont d’autant plus redoutables sur les colombages dont l’usure, normale sur un système finalement imparfait (les bois de structures sont exposés aux intempéries) est accéléré. Le diagnostic consiste à sonder les bois. La poutre du bas est souvent la plus abîmé car elle reçoit tout le ruissellement. Facilement réparable car prévu pour, le colombage est tout de même gourmand en main d’œuvre et en fourniture (bois noble) ce qui fait que sa rénovation est coûteuse, surtout si au delà de la poutre elle-même, les assemblages sont pourris. Sa conservation est donc dépendante à la fois d’un mise à distance d’un sol humide et d’une protection par une couverture étanche. 


L’observation de la géométrie globale du bâtiment permet d’appréhender tout ces exemples de pathologies. Le bâti très ancien est souvent plein de contorsions : murs en pierre bombés, colombages désarticulés etc. Il convient d’en évaluer la gravité mais surtout de comprendre les forces en action et de voir si des mesures de consolidations globales doivent être envisagées. C’est l’expérience qui permet d’y voir mieux mais aussi le croisement avec les observations à y faire dans l’intérieur de la maison (nous traiterons en partie 3). Cette observation permet aussi de lire, par la connexion de murs, la variations des types de pierre, etc les étapes de construction de la maison sur la longue durée (nous traiterons en partie 4). 

Écrire commentaire

Commentaires: 0