Il y a quelques années, nous avions été amenés à travailler sur un projet dans le Zhejiang en Chine avec des confrères architectes chinois, français et canadien. Il y avait une vieille maison en
terre. Nous avons dit : « conservons là ». « Non, aucune valeur » nous a-t-on répondu. Le projet n’a pas eu lieu.
L’argile dans la construction est redevenu un sujet depuis plusieurs années en Europe et en particulier en France où un laboratoire universitaire lui est dédié (CRATerre). Symbole d’archaïsme
voire de pauvreté, on redécouvre en effet ses vertus techniques : capacité de stockage thermique, capacité de régulation hygrométrique, plasticité permettant une grande variété de
forme, etc.
Je retiendrais comme vertus principales son caractère local et son réemploi quasiment infini. D'où son faible impact énergétique.
En effet, en n’en retenant que les premières caractéristiques énoncées, on risque de considérer le matériau terre comme un élément interchangeable avec d’autres matériaux industriels intéressants
comme le plâtre et la chaux. Certains fabricants nationaux comme Argilus proposent des produits a base d’argile prêt à l’emploi pour réaliser des enduits.
Je crois que cela fait perdre son intérêt au matériau.
L’argile est disponible pratiquement partout sur le territoire, en quantité variable, à des profondeurs variables, mais aussi en des consistances différentes et présentant une grande variété de
couleurs : argile verte, rouge, grise, orange, blanche etc.
Sa grande disponibilité fait qu’il peut échapper au processus industriel car il peut très souvent (pas toujours hélas) être puisé à proximité du chantier, voir même in situ. L’idéal est de
pouvoir récupérer le « déchet » des terrassiers qui peuvent fournir des quantités astronomique d’argile dont il n’ont aucune idée de l’intérêt !
Pour un projet, nous avons creusé un bassin pour récupérer une argile jaune à silex quasi affleurante (à 40 cm de profondeur) dont nous avons pu faire un mélange terre/chanvre.


Sa préparation demande certes du temps ce qui fait que les artisans qui mettent en œuvre ce type de technique restent cher (100 euros du m2 environ en France) alors que la fourniture du matériau
est très bon marché. Cela reste donc un matériau plus adapté à l’auto-construction, d’autant qu’il est facile et très agréable à mettre en œuvre car il ne brûle pas la peau comme la
chaux.
L’argile doit être laissée exposée au soleil et aux intempéries pour faciliter son tamisage. On peut aussi la laisser à tremper pour gagner du temps et retirer les impuretés. Puis on tamise
l’argile selon l’usage, plutôt fine pour un enduit de finition, plus grosse pour un corps d’enduit, voir grossière pour un torchis.
Certains artisans se fournissent chez les briquetiers en mesure de donner une terre locale, dite " à briques", déjà bien filtrée et prête à l’emploi.


Dans un chantier en cours situé dans la campagne de l’Orne, en Suisse Normande, nous avions demandé au maçon lors de démolition de cloisons et de chape en argile d’effectuer un rapide tri : d’abord décroûter le plâtre de finition existant, nettoyer, puis récupérer la terre et la stocker dans le jardin. Il y avait bien 2m3 de terre. Ce type de « déchets » partent très souvent à la benne dans les chantiers de rénovation. Quel gaspillage. Nous l’avons stocké sur site sans savoir ce que nous allions en faire. Le tas est resté sous bâche pendant 2 ans.


Puis un jour une maçonne nous a dit qu’elle pouvait faire des enduits terre/chaux sur les murs intérieurs. C’était parfait car nous ne voulions pas de murs blancs et pas d’ajouts de pigments. La
terre agirait comme un pigment naturelle « chaud ».
« seriez-vous en mesure de récupérer la terre que nous avons stocké là ? »
« De la terre de récupération ? Parfait, c’est la meilleure ! ».
La terre a été mise à tremper puis mêlée à de la chaux dans une proportion 1 pour 4, et fibrée (chenèvotte de lin). On aurait pu mettre davantage d’argile mais celle-ci étant très jaune il ne
fallait pas trop foncé la teinte.
Je trouve aujourd’hui le résultat émouvant : de part son aspect, mais aussi par la démarche. L’argile n’a pas quitté la maison.



Aujourd’hui en France, les normes ne sont pas encore fixées sur l’argile. Mais cela avance. Les règles professionnelles de la construction en bottes de paille présente un chapitre sur
les enduits terre et permet dont d’esquisser un cadre normatif officiel à cette technique (voir article paille : quelques
idées reçues )
Mais l’argile peut s’adapter à plusieurs techniques : pisé, torchis, terre/paille, etc. Or le cadre normatif là manque mais repose sur la transmission de savoir-faire.
Depuis quelques années des artisans et des architectes travaillent à l’élaboration d’un texte « normatif » souple. C’est ainsi qu’ont été publiées les règles de bonnes pratiques de la terre
divisés en plusieurs cahiers (pisé, terre/paille, enduits). De quoi permettre plus facilement une assurabilité des travaux.