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PAILLE : quelques idées reçues

Récemment nous avons vu sur les réseaux sociaux un article intitulé «pourquoi les maisons françaises sont silencieuses ? » présentant la construction d’une maison en paille en France. 
Les commentaires en bas de vidéo étaient globalement négatifs avec des arguments qu’il faut entendre, mais toutefois balayer car relevant des idées reçues et des lieux communs. 

 

En effet la construction dite de paille est capable de performances époustouflantes mais est extrêmement technique à mettre en œuvre. 
Or, en France, ces techniques sont régie par une catégorie de normes appelées « règles professionnelles », mis à jour chaque année. En plus de bien encadrer la mise en œuvre de la botte de paille, ces règles professionnelles permettent aussi de normer un certains nombres de techniques induites : par exemple les enduits à base d’argile. 

Pour ce premier article sur la paille, voici des éléments de réponses techniques à quelques commentaires pris au hasard de l’article cité plus haut. 

« c’est une technique ancienne primitive dépassée » : non cette technique vient des Etats-Unis et intimement lié à la production des bottes de paille standardisées, qui dans ce cas précis, était même porteuse. La technique moderne normalisée en France consiste en une insertion de « blocs » de botte paille dans une ossature bois porteuse (système constructif bien établi en Europe). Il existe aujourd’hui en France des immeubles de logements sur 3 niveaux construit en ossature bois/bottes de paille. 

« L’incendie est si grave… » crainte légitime mais infondée. Le Centre Scientifique Technique du Bâtiment (CSTB) qui rédige les principales normes de la construction en France a supervisé des tests de feu. Il s’est avéré que la densité de la botte de paille ralentit la combustion. 
Toutefois, comme tous les isolants d’origine végétal utilisés en France (chanvre, laine de bois, paille, lin), le principe est de l’encapsuler dans un matériau non combustible. Dans la construction en paille, c’est l’enduit qui fait ce travail : argile, chaux, ou plâtre appliqué directement sur la paille, sur des épaisseurs importantes (parfois 5 cm).
Le principal risque d’incendie vient de la botte elle-même : si elle n’est pas assez sèche et pas assez dense, un échauffement par compostage est possible. C’est pourquoi la norme prévoit un contrôle de ces 2 facteurs pour chaque botte. (Cela répond aussi au commentaire « l’herbe ne pourrit-elle pas ? »)

« un nid à souris » : j’ai personnellement grandi dans une maison en bloc de béton isolé avec du polystyrène : les souris adore ça ! La méthode d’encapsulage de la paille forme une barrière efficace : qu’il s’agisse de l’enduit de terre ou des peaux en lames de bois pour lesquelles il est toujours prévu des grilles anti-rongeurs. En outre, il est compliqué de se faire un nid dans une botte de densité. Elles préfèrent de loin la laine de verre (30 kg/m3) ou le polystyrène ; 
Toutefois mon expérience m’a appris lors de maints visites sur bâtiments existants, que les rongeurs sont partout et rongent tout : argile; bois, polystyrène, cartouche de mastic, 

« Les 3 petits cochons…  » Un grand classique… Avec sa densité, on peut souffler longtemps avant que cela s’envole…

« quand j’étais petit, il y avait encore des maisons construites avec des briques de torchis dans le village, les murs étaient épais, chauds en hiver et frais en été » je cite ce commentaire positif pour répondre à ceux négatifs sur le caractère primitif de la terre :
Il ne faut certes pas confondre la technique de torchis qui mélange la paille dans la terre, avec la technique de paille recouverte d’un enduit de terre fibré. La seconde technique, dont il est question ici, est la plus performante en terme de thermique grâce à la botte de paille. Mais ce que décrit ici l’internaute est très intéressant et tient aux caractéristiques de la terre. Je détaillerais cela dans un prochain article, mais il faut retenir qu’une telle paroi permet en effet de répondre aux problématiques contemporaines du changement climatique grâce au phénomène de déphasage : garder frais quand il fait chaud dehors et chaud quand il fait froid dehors ce qui permet de grosses économies de chauffage ; voire de s’en passer moyennant une conception rigoureuse !
Le béton, la brique n’ont pas cette capacité et la laine de verre est nulle en terme de confort d’été. 

« Une odeur de moisie régnait » : encore une fois la technique de paille est une technique moderne combinée à la technique tout aussi moderne de l’ossature bois. Il n’y a pas de problèmes d’humidité si le bâtiment est bien conçu. En France, le bois et la paille doivent être isolés du sol par une garde de 20 cm ; les dallages sont drainés ; et la maison est ventilée par un système mécanique efficace simple flux ou double flux (récupération de chaleur) ou par des systèmes de ventilation naturelle.
En outre, l’argile en enduit intérieur est magique, il est capable d’absorber une grande quantité de vapeur d’eau (et d’odeur) sans se dégrader. 
Les veilles maisons en terre ont généralement des fondations peu profondes et non drainées avec une ventilation au hasard peu efficace (autrefois, c’est le feu de cheminée qui jouait le rôle de l’assainissement de l’air) d’où les moisissures éventuelles. 

Enfin l’article cité plus haut se focalise sur l’acoustique de la maison. Il y a un malentendu dans les commentaires car plusieurs évoquent le fait qu’en France la densité de population fait que la campagne est calme. 
Mais ce n’est pas seulement cela dont il s’agit. Lorsqu’on entre dans une maison de paille on est d’abord fasciné par l’ambiance qui est extrêment feutrée, comme si on y chuchotait.

 

Maison en bottes de paille 1910 Nebraska (Nabraska state historical society)
Maison en bottes de paille 1910 Nebraska (Nabraska state historical society)
Essai d'enduits réalisés sur bottes de paille grand format
Essai d'enduits réalisés sur bottes de paille grand format
Extrait des Régles Professionnelles de la Construction Paille (édition le Moniteur) montrant les différentes sources de problèmes liés à l'eau.
Extrait des Régles Professionnelles de la Construction Paille (édition le Moniteur) montrant les différentes sources de problèmes liés à l'eau.
projet maison Paille, principe charpente (1) © l'atelier deux pans
projet maison Paille, principe charpente (1) © l'atelier deux pans
projet maison Paille, principe charpente (2) © l'atelier deux pans
projet maison Paille, principe charpente (2) © l'atelier deux pans
projet maison Paille, principe charpente (3) © l'atelier deux pans
projet maison Paille, principe charpente (3) © l'atelier deux pans
projet maison Paille, coupe tranversale © l'atelier deux pans
projet maison Paille, coupe tranversale © l'atelier deux pans