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LESS IS MORE

Dans la plupart des visites-conseil que nous effectuons, surtout lorsque cela débouche sur une mission d’esquisse et que nous sommes donc amenés à parler plus précisément du programme, revient toujours la discussion du m2 à bâtir/rénover. Notre diagnostic est sur ce point toujours le même : « vous voyez trop grand ». 

Est-il bien raisonnable de faire l’acquisition d’une bâtisse de 200 à 400 m2 lorsqu’on est 2, 3 ou 4 ? A-t-on réellement besoin en tant qu’individu de 50 à 100 m2 chacun ? Certes l’achat d’une maison à rénover dans la campagne normande peut être relativement peu onéreux par rapport à sa surface bâtie et il n’est pas impossible d’acquérir un manoir pour le prix d’une pavillon type lotissement ! 
Mais encore faut-il pouvoir la rénover et la faire vivre ! 

Il est possible de vivre plus petit, cela est même nécessaire pour des raisons économiques mais aussi écologiques : il s’agit de préserver les espaces naturels et de réduire l’impact environnemental que représente le bâti et la construction. Il s’agit aussi de faire preuve de sobriété. 

Or la raison souvent donnée par les maîtres d’ouvrage aux programmes « étoffés » qu’ils nous fournissent est la volonté d’accueillir du monde : famille, ami. 
Au prix du m2 de travaux, le chiffrage de la surface en « plus » est pourtant dissuasif. Sur une prestation basse entre 1500 et 1800€/m2, une chambre d’amis de 10 m2 (très petite donc) coûte potentiellement entre 15’000 et 18’000 euros,… une salle de bains supplémentaire de 5 m2, 9000 euros. L’estimation est au doigt mouillée car il faudrait voir précisément quels travaux sont effectués, quels types de matériaux, s’il s’agit de neuf ou de rénovation etc. ; mais cela est un ordre d’idée valable. 

Or qu’est-ce que 15’000 euros ? 

C’est un salaire de 1250 euros par mois pendant 1 an ;

c’est un séjour de 2 nuits/an à l’hôtel Normandy de Deauville pour 3 personnes en plein juillet, pendant 7 ans pour pouvoir loger à l’occasion amis ou famille.. 

Une chambre d’ami est une pièce inoccupée 360 jours / 365 qui a toutes les chances de devenir un débarras ou le fameux « bureau » que personne n’utilise. En clair : l’investissement n’en vaut pas la chandelle. 
Du point de vue du projet architectural, l’économie d’une chambre représente un report de budget significatif sur la qualité des matériaux ou les apports de lumière par exemple (augmentation surface de vitrage). 

C’est aussi accessoirement autant d’argent qui n’est pas emprunté à la banque, et donc une occasion de moins de devenir prisonnier des remboursements avec intérêts… et peut-être la liberté de partir à la retraite plus tôt !

Le fait est qu’il est difficile de faire comprendre, en tant qu’architecte, que le confort d’une maison se mesure moins à sa surface et sa valeur marchande qu’à la qualité de l’espace et de la lumière, du temps qu’on y passe et de ce qu’on y vit. 
Son « contenu » et non sa « présence en soi », tout comme un livre est d’abord imprimé pour être lu et non pour décorer une étagère. 

Nous avons réalisé il y a quelques années une rénovation énergétique dans une maisonnette de 35 m2 au sol et nous venons de la revisiter pour y prendre des photos.

 A l’époque le thermicien voulait nous imposer de conserver le plancher des combles, pour des raisons purement mathématiques (la surface rénovée donne accès à plus de subventions). Nous avons insisté pour créer une double hauteur. Le maître d’ouvrage, qui nous a suivi quitte à obtenir moins de subventions, en est aujourd’hui ravi car de l’espace de vie principale en « cathédrale », la salle à manger/cuisine, on perçoit toutes les profondeurs de la maison. 
« Elle paraît plus grande que ce qu’elle est », dit-on. 

C’est à cela que sert l’architecture…